Refus de paiement du salaire garanti et mauvaise communication des motifs du licenciement: le tribunal du travail de Liège fait d’une pierre deux coups
Madame D., occupée au sein de la maison de repos E. en qualité d’infirmière, a informé son employeur de son incapacité de travail du 3 au 16 juillet 2017, en raison d’un accident survenu alors qu’elle participait à un rallye automobile. La société E. a toutefois refusé de verser à sa travailleuse le salaire garanti dû pour cette période d’incapacité, invoquant à l’appui de sa décision l’article 52§3 de la loi du 3 juillet 1978, qui stipule que la rémunération garantie n’est pas due au travailleur "qui a été accidenté à l'occasion d'un exercice physique pratiqué au cours d'une compétition ou exhibition sportive pour lesquelles l'organisateur perçoit un droit d'entrée et pour lesquelles les participants reçoivent une rémunération sous quelque forme que ce soit."
En l’espèce, l’employeur soutenait qu’en application de cet article, il n’était pas tenu de verser son salaire garanti à la travailleuse, et ce dans la mesure où les participants au rallye durant lequel elle s’était blessée pouvaient prétendre à la remise de coupes, et que les véhicules bénéficiaient chacun de sponsors, à tout le moins sous forme d’assistance technique. Quelques semaines plus tard, la même travailleuse s’est vue licenciée par son employeur. Confrontée à une demande de motivation du licenciement sur la base de la CCT n°109, la maison de repos a fait part à Madame D., par e-mail, de multiples reproches ayant justifié sa décision de mettre fin au contrat de travail.
Décision du Tribunal
Le Tribunal va tout d’abord s’interroger sur le droit qu’avait l’employeur, en juillet 2017, de refuser le versement du salaire garanti à Madame D. Il va à cet égard indiquer que la notion de rémunération, au sens de l’article 52§3 de la loi du 3 juillet 1978, se rapporte toujours à un avantage obtenu à l’occasion de l’exercice d’une activité professionnelle, et que cette notion doit faire l’objet d’une interprétation stricte.
Or, ni les coupes (qui constituent de simples symboles sans valeur marchande) ni l’assistance technique offerte à titre de sponsor, ne présentent la moindre valeur financière. Le tribunal rappelle également que l’employeur ne démontre aucunement en quoi la course constituait peu ou prou une activité professionnelle pour Madame D.
Tenant compte de ce qui précède, le tribunal condamnera l’employeur au paiement du salaire garanti pour la durée couverte par l’incapacité de travail de Madame D. S’agissant par ailleurs de la communication des motifs du licenciement, le tribunal du travail fait une interprétation stricte des articles 5 et 7 de la CCT n°109 en rappelant que, si l’employeur ne respecte pas les prescrits de la CCT n°109 lors de la communication des motifs du licenciement à tout travailleur qui en fait la demande, il est nécessairement redevable de l’amende civile équivalente à deux semaines de rémunération.
Le fait que l’employeur ait, en revanche, fait état de motifs détaillés qui sont parvenus à la travailleuse dans les temps ne suffit pas à l’exempter de ce paiement, et ce dans la mesure où la réponse aurait dû lui être adressée par recommandé. L’objectif de motivation poursuivi par la CCT n°109 ayant clairement été atteint en l’espèce, l’on peut s’interroger sur l’opportunité d’un tel formalisme…
Conclusion
Dans ce jugement, le tribunal du travail de Liège, division Huy, est amené à trancher deux questions fondamentalement différentes, mais fait dans les deux cas une interprétation stricte des dispositions légales et règlementaires invoquées au bénéfice de la travailleuse.
Violette Mouvet
Claeys & Engels
Source : T.T. Liège, division de Huy, 17 juin 2019, R.G. n° 17/06/2019